mardi 18 octobre 2011

Je n'allais jamais sur la boîte sauf ce soir

ça compense un déficit de réel, c'est bien tout ça

à croire que je me complais dans l'intermède solitaire
dans l'interstice frileux (me traîne une grippe molle, mais persistante, depuis des semaines, effet Frigor-sur-Seine)

ce matin râleuse des aiguillages embrouillés qui retardent les michelines
je me lève et pivote
quand une improbable voix
(gare du nord, jamais ça arrive)
m'interpelle

et c'est lui
comme dans une pub pour le café qu'il tient d'une main
quelle classe

ce jeune homme qui déjà il y a un mois avait commencé par une voix
et qui à l'observation rapide s'est révélé charmant
et qui à la conversation s'est révélé séduisant et même au-delà
- et qui à la curiosité s'est révélé casé
avec une tueuse intellectuelle
alors bon tant pis

sauf que le hasard et le boulot nous offrent des occases
de discuter et de prolonger les regards

j'ai beau me raisonner il se passe un truc
et merde

je prends le temps de m'expliquer que surtout il n'y a rien à faire
qu'on peut être touché mais que la vie choisie déséquilibre la partie
en ma défaveur à coup sûr
et que c'est pas mon genre de jouer la boule dans le jeu de quilles

alors
encore
un effort

pour passer mon chemin

même si bien sûr c'est pas désagréable

je crains un peu de chavirer
je crains d'y perdre ma chèrement conquise disponibilité

et puis soudain la vanne rouverte sur la béance d'un fonds de tristesse
(merde pourquoi pas moi enfin, là)

oh ses tempes grisonnant à peine
et l'élégance de sa diction au léger cheveu sensuel
l'évidence de son intelligence,
libre-penseur aspirant aux constructions
j'en oublie même
qu'il a le doux prénom de l'ex
- l'immature tant aimé

Or si j'avais voulu d'une voie sans issue
j'aurais aussi pu
prolonger ad vitam cette histoire du passé
ou celle d'avant
ou celles d'après

bref c'est un leurre encore

et j'en ai assez assez
que tout ce qui me reste d'intimité
ressemble à un jeu d'évitement

mercredi 5 octobre 2011

Chai pas, un brin de blues
pas les grandes eaux, non
juste un ressac de l'enthousiasme
lundi haut de la vague - mais c'était peut-être la fièvre, je couve un truc
juste après s'infiltre le doute

faut dire je m'étais enfin retrouvée
impatiente et consciente
consciente-altière
de comment tourne tout ça
parce qu'à un moment portée par l'énergie confiante
de ceux à qui passer la main

bon voilà, aujourd'hui c'est moins ça
un truc très normal de job
le temps de faire les réglages

et puis toujours un peu d'essoufflement
au manque de répondant
soudain se dire : en fait je me trompe
en fait cette poésie qui m'habite
ne touche pas vraiment
ou bien : c'est maladroit
ou bien : c'est trop complexe

après je me raisonne : sagacité, phénomènes perceptibles
et rappel des reconnaissances sincères
et puis aussi
ceux du silence
auprès de qui s'écoule la prose sans mot dire

si ça a tant d'importance
le verbe
c'est que l'assurance me donne des ailes
du sourire et de l'aisance
me dispose aux connivences
avec vous qui m'échappez
avec vous tous dont je suis isolée
avec le vous hypothétique dont j'oserais à nouveau
affronter l'intimité

des années que je crois faire fausse route
et comme les cinglés mes artistes
mes pairs fragiles désobligeants
je jette ma bouteille à la mer
le cri reclus sous le verre
alors que je suis comme toi
toi là,
ou toi
et qu'il suffirait de s'abandonner à l'indulgence
colère tristesse peur digérées

au lieu de bouteilles creuses que les vagues dissolvent
et que le sel erode