jeudi 27 mai 2010

Ce qu'il faut maintenant aborder
c'est
sexualité, alcoolisme, dissolution de l'identité

son corps enfin se rappelle à elle
non qu'elle l'ait négligé non pas tellement
au contraire elle s'aperçoit enfin qu'elle s'est tellement livrée
que toute cette abstinence c'est le sauvetage intime de l'intégrité

mon corps charnu et ce qu'on va en faire

pourtant il est là il répond il est vivant
mais c'est l'accès à l'âme
c'est la porte aux émotions

c'est le submersible
c'est pas mon disjoncteur, non
suis allée loin sur la mer des explorations

aujourd'hui j'ai surfé sur la fatigue
tout ce qui s'est déposé hier soir entre M et moi
encore un paquet de nœuds relâché
encore des serpents taclés
c'est elle qui a sifflé quasi les deux bouteilles de rosé

de son intelligence vive elle lâche des sentences doctes et absurdes
parmi toutes les proches elle m'est la plus ancienne
alors quand elle me pousse vers le cul c'est simple, drôle et familier
c'est enfin avec elle que je peux avouer l'étendue de ma vie sexuelle absente
l'étendue des dégâts d'un corps qui s'est ouvert à tel point que je ne sais plus quoi en faire
qu'à la fois le sexe c'est simple
et
me heurte
et
m'ennuie
et
me fait envie
rien que d'y penser

mais fantasme, zéro
ou alors avec F avec qui je ne baise pas
et qui se retient comme l'écorché qu'il est
et que je suis

j'ai peur
voilà

je ne lâche rien
combien de mecs bandent sur moi
tempête M
qui dresse le constat d'incompatibilité partielle des modes érotiques de son vieux couple
sans le déplorer

un sportif, c'est parfait, elle liste les mérites
elle me rappelle à moi-même
à mon goût pour la chair

en m'endormant m'arrache du sommeil l'intensité d'une étreinte sauvage et réticente
surgie du néant entre mon grand amour et moi
voilà c'est le retour du refoulé hein

bon est-ce que ça fait si mal au fond
en tout cas ça prend du temps

je ne baise pas pour ne pas réveiller la douleur
des étreintes disparues

à l'évidence

des étreintes disparues
et qui me constituaient
et qui m'ont tuée
auxquelles j'ai survécu
dont j'ai sauvé ma tête
dont j'ai sauvé mon corps

que reste-t-il à sauver
en ressortir indemne
comme de l'acier trempé

dimanche 9 mai 2010

Suis arrivée la veille de nuit. Biscotte tout endormi est descendu m'ouvrir, dans son escalier la lumière s'allume et s'éteint alternativement, modernité déglinguée au milieu du quartier chaotique, il habite au-dessus du DTP, derrière Euro plazza, et ça le taxi à une heure du mat' j'arrivais plus à lui expliquer, il a fait deux trois rues et je lui répétais : mais laissez-moi ici, c'est bon je connais l'adresse.

Toujours ce trajet depuis l'aéroport comme entrée en matière familière, ça pourrait être n'importe quelle ville du monde la nuit, fantomatique, les hôtels, les grosses boîtes, Mac Do, Mobilya, les buildings sur la route.

Mais aux remparts ça devient cette ville-là, promesse de liesse et de vestiges.

Il pleuvait, mais alors.

J'allais pas rester, lendemain à 18h00 de l'autre continent décoller pour le Sud. Plage, lecture, l'édentée et sa mère, un an que je les avais pas vues ces deux-là. Une fois la fille couchée, avec la mère on allait se ménager une petite bulle rien qu'à nous où poursuivre l'histoire complice entre deux gorgées de whisky.

Il fallait, j'avais calculé, partir deux heures avant de la grande place. D'une rive à l'autre, l'enregistrement, et hop. Pris le temps d'un déjeuner avec la brune rieuse. Retrouvé, pour écrire, la lumière sous la verrière où j'ai quitté le garçon sauvage il y a trois ans.

Devant la navette sous le ciel maussade, le vieil émacié qui la conduit me dit, souriant de la moitié de ses dents, qu'il va falloir une heure et demie, trafic sur le pont.
Ah mais ça va pas du tout, c'est pas comme ça que je me la jouais, l'histoire. Vous êtes sûr ? Et mon avion ? dit la touriste dépitée - mais le chauffeur, fataliste, sagement souriant secoue la tête.

Bon.

Je ne suis pas là depuis vingt-quatre heures, je ne sais plus ce que c'est un destin déjà écrit.
Derrière il y a la file des taxis, jaunes.

Toute personne qui met les pieds ici a son histoire de taxi ; voici la mienne.

Je me souvenais de la mésaventure de Dina, trente minutes chrono entre les deux aéroports à quatre du mat', elle en avait oublié sa peur des avions après la course folle, le mec exultait, l'aiguille collée au max du compteur, faiblement elle avait protesté, mais c'est pas grave en fait si je rate l'avion, si on ralentissait un tout petit peu ?

J'y vais : bonjour, combien de temps pour l'aéroport d'en face ?
Ils sont quatre ou cinq, j'ai touché leur sens de l'honneur viril : 45 minutes. Attendez les gars, le chauffeur de la navette il parle d'une heure et demie, je tiens à la vie quand même. 45 minutes, vous allez voir, nous on slalome me montrent-ils d'un geste convaincant de la main.

J'ai pas vraiment le choix, et c'est combien ? Ah, le double du prix du vol, quoi. Allez, ok.

Le premier, rondouillet, j'aurais dû me méfier de son regard mouillé. Il me fait monter à l'avant. J'ai plus les codes, décidément.


Engageant, il entame la série habituelle : Et vous parlez bien, et comment vous avez appris la langue, et vous faîtes quoi ici ? ça roule.


C'est seulement à l'entrée du pont que la vague intuition se confirme. Je dis pas, s'il se tortille, c'est peut-être pour se caler plus confortablement. Mais quand même il est pas obligé de laisser sa main là. Là où un geste bref suffit au plus inélégant pour se rajuster.


Il se caresse.


Par dessus le jean.


Qu'est-ce que je fais.


C'est un truc qui monte aux oreilles, la surprise, l'énergie qui se rassemble pour réagir, un bouillonnement mécontent. Je n'ai pas peur. Prête à bondir hors de l'habitacle, à cogner, à gueuler.


Et je m’aperçois que c'est l'entrée du pont, piétons interdits, c'est la merde.

Je bouge pas : mon avion, bordel !

Voyons ce qui se passe d'ici l'autre côté.

La circulation est ralentie, mais pas bloquée - t'imagines, le traquenard !-


D’un coup, sans que j'aie anticipé ma réplique et le regard droit devant moi, sèchement je lui balance : arrête ça.

Son Quoi ? d'étonnement trahit le gamin qu'il est, pris en faute.

"C'est pour me concentrer sur la route"

je crois comprendre qu'il me dit

je lève les sourcils d'autorité : ici, lever les sourcils, ça veut dire non, genre je veux rien savoir.

Il est tout confus.

Je suis contrariée, vigilante.

Il arrête ça.

Il ne sait plus quoi faire de ses mains.

Le trouble a surgi, c’est fou cette désinhibition, peut-être parce que je suis l’étrangère, ou alors parce qu’aux petits garçons on ne leur apprend pas à se contrôler, ils sont des hommes une fois qu’ils sont allés aux putes, leur mère est fière, les filles par contre avant le mariage tu n’y penses pas. Et voile ta femme. Les étrangères par contre elles sont pas farouches on sait bien.


Une fois un type qui nous conduisait vers un chalet qu’on n’a jamais atteint à cause de la neige avait proposé un hamam à trois, un deal qu’il soumettait à mon mec sous couvert de bon moment tranquille, comme il aurait proposé un restau, un café.


Non mais je veux pas faire de généralité, pendant toutes ces années je suis rentrée à point d’heure traversant toute la ville comme ma poche. D'ailleurs, se faire désirer cash comme ça, c’est négociable. T’as pas une mère ? T’as pas une sœur ? Ça fait partie des phrases à apprendre dès le début. Et puis ainsi : juste exister. Érotiquement. Le sex appeal n’est pas enfoui loin sous les couches de bienséance que les regards bien élevés des Européens t’aménagent. Les fantasmes traînent dans l’air comme des histoires non advenues, des rêves inachevés par la fatalité.


A cinq heures piles on y est. Il en peut plus de fierté. Regarde ça ! Je te l’avais pas dit ! Une heure pile. Une heure, connard, et il va falloir qu’en plus je te paye. Je lâche les billets un à un, de mauvaise grâce, en plus dans la précipitation j’avais compris 75, et c’est 85.


Et comme d’habitude dans les aéroports tu as trois fois trop de temps à tuer, alors tant pis j’en rigole : ma première aventure du séjour, ça y est ça commence. Bienvenue en Orient.

un lien pour une histoire

Le festival Paris en Toutes Lettres vous propose de nous faire partager une histoire qui vous appartient : scène vécue, vue, entendue… Une histoire insolite, étonnante, troublante, romanesque mais réelle. Une histoire vraie.
Les contributions (entre 3000 et 6000 signes, espaces compris) sont à adresser jusqu’au 31 mai sur le site www.parisentouteslettres.fr

Comment faire ?

Connectez-vous sur le site www.welovewords.com inscrivez-vous pour déposer votre contribution.

Autour des écrivains Marie Desplechin, François Beaune et Arnaud Cathrine, le comité éditorial composé de professionnels sélectionnera les histoires les plus marquantes en vue d’une publication dans Libération le 12 juin, d’une lecture publique le 13 juin au CENTQUATRE et de la publication d’une anthologie en 2011.
En partenariat avec Libération, France Culture, la RATP, la FNAC, Welovewords et Smart Novel.

Ouh là quel week end putain

je redescends de la dernière ligne droite
je viens de rendre ma copie

petit coup de stress au bout des calanques
quand le texto arrive, réseau retrouvé

mais l'après-m' était belle
en joyeuse compagnie

j'ai de nouveaux amis
c'est doux

nous ne boirons pas de dernier verre ce soir avec F
mais tout dans mon sourire je crois
dénote mon goût pour ce jeune homme
eh bien tant mieux c'est assumé

et donc c'est l'amorce d'autre chose ailleurs
aussi
ça veut dire que les ondes se remettent à circuler
entre le présent et moi
je peux l'accueillir et m'en accommoder
enfin

(enfin)
Oui bon toujours rien sous la dent mais après tout

je commence à sentir que je n'ai pas oublié

au moins vibrer

il aura bien fallu une soirée un midi une autre soirée une nuit

entretemps en pleine glaciation printanière

se confronter à celui dont j'ai passé l'année à me déprendre et
qui
comme par hasard
juste ce soir-là
était là
à un moment j'ai deux ex dans le dos
comme finement la Sauveuse le souligne
(la Sauveuse : celle qui m'a ramassée, la belle exigeante névrosée)

et toujours se comprendre avec O. mais je me détache ;
détachée
quand même

et tout le temps me rappeler
je rentre quand ça me pète

mon vélo mes clés ma maison

bref à la fin de la deuxième nuit - hier
le beau F encore lucide après toutes ces bières
je dis beau mais c'est pas beau
c'est sexy
c'est bad boy tendre
avec ce mystérieux cocard qu'on tourne en dérision

toujours rustre et perso
mais sensible
tout ouïe
créateur, quoi

à la fin au milieu de la fête qu'on a fini par squatter après cette longue inertie de cultureux
et où au moins ça rigolait
en plein de langues
il me dépose un tendre baiser sur le front
m'ébouriffe
me prend mais pas tout à fait
dans ses bras
et me dit
que je suis une fille exceptionnelle
- tu me dis ça parce que tu m'as vu danser - dis-je, pas dupe

mais non : sincère
ému quoi
alors mes bras autour de son cou et je me serre fort contre lui,
brièvement
merde hein.

un flottement, celui d'avant le moment du baiser
je ne vois plus que sa bouche et ses paupières d'ivresse baissées
et de promesse de volupté
alors juste avant je dis
"voilà maintenant j'ai envie de t'embrasser
c'est con une fille"
il ose encore sa caresse gauche de papa contrit
alors
émue
je lui vole un baiser
sans insister
et puis on se reprend

derrière nous il y avait celle qui l'accueille
celle qui toujours sombre et timide mais intelligente certes
celle qui peut-être séduite

(merde un plan lol v stein)

bon
il est heureux de me revoir il me déclare
je finis par avouer que
moi aussi
il me dit mais je ne suis pas un homme pour toi
je sais, je dis, je sais bien
mais tu n'en demeures pas moins séduisant

son sourire
"j'y compte bien !"
et il retourne d'autorité un beau latin à chapeau pour me faire l'article
tout en déhanchés de dancefloor je dis mais eh oh ça ne se fait pas !
Or le beau latino ne s'en laisse pas conter et
quand il vient me voir plus tard, rieur, il me raconte qu'il préfère les garçons
et qu'il a retourné la situation
ah ah très bien

quel con ce bad boy
qui me fait vibrer

il tchatche à tout ce qui traîne

et comme c'est un électron libre
lol v stein le cherche
ouh là si c'est pour jouer les miss de sa suite, c'est non
mes talons mes clés ma maison

il a plu et j'ai marché et dansé toute la nuit perchée sur 10 centimètres
tu m'étonnes que je suis exceptionnelle

je me casse clope au bec royale dans l'escalier miteux

le bad boy tendrement deux bises aux commissures
me dit à bientôt
à bientôt je réponds de ce sourire joyeux
et de mes yeux
que quelques heures plus tôt il m'avait sommé d'arrêter de faire
"arrête de faire tes yeux"
"quels yeux ?"

je me casse et je te jure
j'étais fière
contente contente
et même : réveillée tôt sans casquette

lire dans le jour maussade et sortir chez la collègue ce soir et causer et danser
et tchatcher
réjouie

laisser décanter
me demander
alors je fais quoi ?

un dernier restau pour emporter le marché ?
Jouer les satisfaites de cette amitié ambiguë qui se confirme ?
de nos intellectuelles affinités, des projets profilés (en même temps c'est pas les miens, même si ça m'intéresse)
S'en foutre parce que c'est pas un homme pour moi ?
S'éviter le trouble qui risque de succéder au sexe ?
Foncer, selon les conseils inconséquents de ce soir ?

Foncer, parce que je me sens quand même forte
Bien plus qu'il y a tous ces mois
et qu'à un moment, faut reprendre cette excellente activité
et euh bon

on verra demain.
Tu crois que c'est un truc d'orgueil ?
D'aucunes le placeraient à ne surtout pas passer à l'horizontale
maintenant que l'équilibre est rétabli
maintenant aussi qu'il a ri
quand je lui ai bien dit que son parfum il a qu'à venir le chercher
bon ok c'est ça la tension qui reste entre nous deux
toi t'as bien oublié le livre

on aime bien faire durer le truc
le jeu
de

séduction

c'est comme un tango

samedi 1 mai 2010

Pour faire mentir le cliché
selon lequel on écrirait quand ça va pas
qu'écrire, c'est fait pour combler la souffrance tout ça

aujourd'hui que l'énergie l'enthousiasme la bonne humeur
sans raison
m'habitent
je sais même pas pourquoi
à part que j'ai fait trois heures de danse et un samedi matin c'est le pied
le vélo en roue libre pour rentrer le long des rails occupés par le vide-grenier du 1er mai

au retour me suis offert un brin de muguet
pour la chance
pour la tradition
pour les fleurs rituelles du samedi matin
parce que depuis des mois m'offrir des fleurs c'est le sourire que je me fais

à la maison les copines prennent le relais sur l'écran
veiller les unes aux autres

j'envoie un clin d'œil aux néo-parents d'avant-hier
la nuit de la naissance j'avais rêvé qu'on mangeait ensemble au resto

Et si F arrive jeudi
sa goujaterie parvient encore à me surprendre

je ne sais pas pourquoi j'en suis encore curieuse
pourquoi je m'y mesure

pourquoi je garde en tête un soupçon d'intention de conquête

à part pour me prouver à moi-même
que je vaux mieux

- que cette goujaterie m'émeuve
ne laisse pas de me surprendre

'tain ce goût pour les autistes intelligents...

programme lecture (concert) fête chez la belle Mexicaine
aujourd'hui j'ai un tempérament d'amoureuse
tiens si je range chez moi j'aurai l'audace peut-être de
(cette nuit)

...