vendredi 29 octobre 2010

Chute.

C'était beau de se faire quitter à Tolbiac

moins violent de parcourir ensuite les paysages désolés de l'arrière-France en images
que si nous avions été seuls dans une R5 au fond de je ne sais où
où tu m'aurais dit : non en fait tu sais finalement

là je n'aurais vraiment eu aucun recours
d'autant que nous nous serions aimés au préalable

là on coupe court
dans le vif
moins d'une semaine c'est réglé
alors oui
je suis amère
j'ai le goût de ton corps et de ton sperme encore en bouche
les subtiles rides émouvantes, tes expressions mobiles
ton regard pénétrant
le plaisir sauvage
quittés à regret
les espoirs contrariés

mais

c'est en soi une belle histoire
beau début-milieu-fin
loyauté appréciable
dialogue d'adultes, affinités
et pour finir je prends le temps de te dire
tout ce que je sais de toi
et tout ce qui me fait craquer
ta fantaisie ton magnétisme ton intelligence
et ta sincérité

beau jeu vraiment
je reçois la pareille
intelligence fine stratège et bien sentir les gens
discussion de haut vol
passionnée aventureuse
et mon goût de l'instant
parler de sexe quelques instants pourrait nous troubler mais
on maîtrise vraiment la partie
juste au moment de se laisser on n'est pas loin des larmes
j'ai le cœur qui bat je lui dis

mais comme je comprends tout
j'accepte depuis le début
depuis que je pressens
depuis que je suis assise face à lui
qui a deux mots à me dire
alors balance, vas-y

c'est triste
mais c'est un soulagement
je savais que ça aurait été compliqué
et lui, à mes appels du pied délibérés
s'est posé les vraies questions
a su, se connaissant, que si la flamme avait pris
le moindre instant libre il aurait voulu me le consacrer

alors
oui
on aura essayé.

Merci pour la loyauté
puisqu'il y a eu une lutte
il aurait pu me faire faux bond aussi
je ne sais pas pourquoi, mais je l'envisageais dans les options

Et je ne sais pas pourquoi
deux personnes qui auraient tout pour se plaire
abandonnent d'emblée comme ça la partie

je fume une clope regard perdu le long des rails
c'est d'une beauté post-moderne
aux couleurs de ma mélancolie
je bois un café hors de prix en brasserie
personne répond au téléphone
un 29 octobre 2010 à Paris

dans le métro je me redis
sans y croire parce qu'il est trop tôt
bercée par la tristesse

alors ma vieille
est-ce le signe à saisir pour se ranger des voitures
pour passer aux choses sérieuses
pour honorer le scénario de film de genre
troquer l'assistant réal contre un prod
qui m'offre le luxe sur un plateau ?

Ce serait par dépit, je n'y croirais pas
mais c'est un vrai homme de qualité
séduisant et qui me connaît

hier en planant j'arrivais à m'observer : on souffre toujours de réalité
alors qu'on est heureux dans les vapes
je me sentais bien comme si tout était en harmonie
mais je n'ai pas voulu rester dupe de moi-même
c'est pour ça, j'ai négocié ma chute

et maintenant faut que je m'en remette

est-ce trop tôt pour les vraies questions ?
vais-je abuser de la situation, me consoler comme une connasse dans les bras
d'un type qui ne me fait pas vibrer
et dont par surcroît il y a des années
j'ai baisé le meilleur ami ?

Oui mais est-ce que je vais encore passer toute ma vie à me mettre en péril ?
Pour finir amère quand il sera trop tard

putain merde
peut-être qu'il est trop tôt
pour se poser les vraies questions
mais peut-être aussi
que c'est exactement maintenant
le vrai moment
avec mes tripes sur la table

à la fin d'une histoire
éclair
où j'apprécie toujours pleinement pour ce qu'il est
celui qui m'a congédiée
aucune animosité
et rien de plus à réclamer

tu me diras, j'ai provoqué la chute moi-même, pas froid aux yeux
aussi parce que je voyais
que je pourrais me retourner
finalement

avec tout ça
me sens quand même bien claquée
à vraiment pas savoir quoi faire
je pourrais rentrer à Mars
mais je ferai pas ça
là-bas c'est pas chez moi du tout
c'est un terrain de jeu et de voyage

j'ai encore quelques heures quelques jours
pour déterminer où est ma maison intime

or si ce soir j'allais rejoindre en banlieue
ceux de ma famille que j'aime bien
je sais ce que je viendrais y chercher
un encouragement

à me caser
dans l'histoire de luxe

alors attention
et puis au fond

il faut que je me rappelle
que j'ai encore du temps quand même

oui ben si c'est ça
je voudrais juste m'auto-annuler
là maintenant

on cherche toujours des expédients
pour atténuer la souffrance

et là, c'est rien
c'est du sentiment qu'on regrettera aux heures de la vieillesse
et de la maladie

4 commentaires:

secondflore a dit…

Dérapage presque contrôlé… Sous les bravos un peu idiots des spectateurs, la concurrente n°1 s’est vite remise en selle.
(reste la course d’orientation)
(objectif : trouver un point de chute)

dérobée a dit…

si tu savais comme je suis triste...

D. a dit…

C'est marrant de lire son quartier dans les mots des autres...Se faire quitter a tolbiac c'est un truc que j'ai beaucoup maîtrisé dans ma jeunesse...

dérobée a dit…

C'est l'espace propice on dirait. Non-lieu de grand vent.